Trois femmes, une asiatique, un latino, et un noir, non ce n’est pas le début d’une détestable blague raciste (tiens, tu veux en savoir plus, je t’invite à lire le super article d’Ellie Martinaud à ce sujet), mais bien la composition des personnages principaux du dernier Star Wars : The Last Jedi. Tour d’horizon de ce qui fait du dernier Star Wars un film de super héroïnes que l’on ne devrait pas voir que dans le futur :
1. Il passe haut la main le test Bechdel qui nécessite qu’un film possède au moins deux personnages féminins, qui parlent entre eux et d’un autre sujet que d’un homme tierce. Ce test, tiré de Dykes to watch out for d’Alison Bechdel, autrice de BD américaine, propose de faire un premier tri parmi tous les films en se basant sur trois critères simples mentionnés plus haut. Si on peut reconnaitre à la première trilogie de camper un personnage féminin fort avec Leia, aucun des trois films ne passe ce test ! Leia est en effet l’unique représentante parlante de son genre, et elle est sans cesse ramenée à sa condition de femme, par notre très cher Han Solo par exemple. Si les opus I et II passent eux le test (mais pas le III), c’est seulement parce que Padme Amidala, la reine en détresse qui attend le retour d’Anakin, interagit avec ses servantes …
Ce huitième film nous présente Rey, Leia, Holdo, Rose, Phasma (l’effroyable capitaine du Premier Ordre), et les autres personnages féminins secondaires qui sont pilotes ou membres des armées, qui parlent entre elles de stratégies militaires et de guerre.
Pour savoir si vos films préférés passent le test, c’est juste ici.
2. Rey : contrairement aux deux précédentes trilogies et à de nombreux films qui présentent des personnages féminins forts, Rey constitue une véritable héroïne. Elle n’est pas la magnifique reine amoureuse transie, ni la jeune femme courageuse mais sexualisée, elle n’a (pour le moment) pas d’histoire d’amour inutile pour son personnage. Rey est courageuse, forte, pleine de conviction, têtue, totalement inspirante, et elle n’est pas sans cesse renvoyée à sa condition de femme ! Rey est forte pour ce qu’elle est, elle n’est pas forte « pour une femme ». Son personnage est pensé pour être l’idole des enfants, un modèle à suivre, et on ne peut que se réjouir de ce choix scénaristique !
3. L’Amirale Amilyn Holdo face à Poe Dameron aka la raison contre l’aveuglement : C’est mon coup de cœur du film. Elle est une femme entre deux âges, elle n’est pas un canon de beauté, son maquillage et ses cheveux permanentés d’un si joli rose-violine sont on-point. Alors que le reste de l’équipage est en uniforme ou en tenue de combat, elle apparait dans une robe moulante et drapée, dévoilant ses courbes, sa poitrine, ses clavicules. Elle ne correspond pas à ce que l’audience (et Poe) attendent d’une héroïne de guerre et pourtant [spoiler alerte pour le reste de l’article] elle est bien là pour casser du destroyer impérial !
Ce huitième opus vient critiquer ce qui a toujours constitué la saga Star Wars, et la plupart des films d’actions : des attaques suicides testostérones, des plans échafaudés à la dernière minute mais qui réussissent quand même par on ne sait quel miracle … Notre très cher Poe Dameron apparait comme un irréfléchi, contrarié qu’une femme en habits de femme lui dise non, limite si on ne l’entend pas dire « vous avez bien vu qu’elle n’avait pas de couilles nom de nom ? ». Et alors que nous sommes de tout cœur avec son entreprise risquée, détestant Holdo pour sa couardise, le film nous remet à notre place en nous montrant qu’elle avait raison, qu’il lui a fait perdre du temps. Et elle meurt en véritable héroïne.
J’ai au départ peu apprécié Holdo, mais pendant le silence qui s’installe lors de son suicide, j’ai remercié le film de nous avoir permis d’inscrire à l’écran un personnage comme elle. En effet, si Rey est un personnage féminin courageux et intrépide, elle est virile au sens où elle incarne toutes les caractéristiques que l’on attribue normalement à un personnage masculin : elle prouve que l’on peut être une femme sans être féminine, et que c’est formidable !
Holdo elle va encore plus loin : elle est l’incarnation d’une féminité héroïque. Elle est une leadeuse, une cheffe réfléchie en qui on place sa confiance, tout comme Leia (qui nous le constatons, alors que son illustre frère va bouder sur une île avec des animaux mignons et des servantes, elle endosse la lourde charge de mener la Résistance, et nous montre pour la première fois l’étendue de sa maîtrise de la Force). Elle fait passer l’intérêt de la Résistance, du plus grand nombre, au-dessus du sien, et ne change pas de cap au moindre doute. Oui, on peut être une héroïne de guerre, détruire seule un destroyeur entier et avoir une manucure parfaite tout en collectionnant les robes. Chez Holdo, la mode et le maquillage ne sont pas incompatibles avec le courage, la réflexion et la stratégie l’emportent sur la virilité brulante et l’égo du héros traditionnel auquel correspond Poe.
4. Des personnages racisés forts : Poe est d’origine hispanique, Paige et Rose sont d’origine asiatique et Finn est noir à la peau très foncée, ce qui a suscité de nombreuses critiques contre le chapitre 7 (coucou la fachosphère). À part le torturé Kylo Ren et le capricieux Luke, les personnages principaux de ce chapitre ne sont pas des hommes blancs, et ça change pour un blockbuster états-unien ! Il est rare dans des films occidentaux de voir plusieurs personnages racisés qui ne soient pas seulement castés pour leur couleur de peau, pour être ramenés à leur condition de personnage noir ou asiatique. Ici nous avons particulièrement le duo Finn – Rose qui fonctionne bien, mais pour lequel on peut déplorer son principal rôle comique. Alors que Finn était drôle et courageux, combattant ses démons dans le VII, il est ici simplement pour fuir, faire rire, et prendre des décisions irréfléchies. Par contre, la scène ultime entre Finn et Phasma, cette figure noire qui s’élève au-dessus de la figure blanche aux yeux bleus pendant qu’elle s’enfonce dans les flammes, était puissante de revanche et si politique dans ce contexte d’un regain de la suprématie blanche !
5. Mention spéciale : CHEWIE DEVIENT VÉGÉTARIEN ! Be a good member of the Force, be like Chewie, go veggie.
Toute création culturelle est politique, dans ses choix de casting, dans son contenu, dans son contexte d’élaboration et de diffusion. Quand on jouait à Star Wars dans la cour d’école, et que mes camarades refusaient que sois un personnage masculin, je jouais la belle Leia, tandis que les autres étaient le courageux Luke, le fougueux Anakin ou le formidable Obi-wan. Aujourd’hui, j’aurais pu incarner Rey, et mon moi de jeune femme admire Holdo. Rian Johnson le réalisateur du film l’affirme, il y a besoin de voir une plus grande diversité de personnages féminins à l’écran, et un plus grand nombre de réalisatrices et scénaristes comme celles qui l’ont accompagné. On ne peut qu’espérer que cette prise de conscience sur le fait de mettre des femmes à l’écran ou des personnages racisés au premier plan, surtout dans les films à destination d’un jeune public comme Vaiana : la légende du bout du monde ne s’amplifie !
Nina Dabboussi