Genre et communication

La sérophobie ou le terreau de la méconnaissance

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Nous comptons environ 75 millions de personnes infectées par le VIH dans le monde, dont 36 millions ne sont plus présentes pour nous en parler. Ce nombre de mort.e.s n’a pas pour autant fait évoluer le droit des malades. Aujourd’hui, de nombreuses personnes subissent des jugements en raison de leur séropositivité.

Lorsque le VIH était associé à la communauté LGBT+

Pour comprendre les discours sérophobes, il faut revenir aux débuts médiatiques de l’épidémie, où le VIH a directement été assimilé au mouvement LGBT+ perçu comme davantage touché que les hétérosexuel.le.s. Certains médias ont donc évoqué le « cancer gay » dès les années 1980, résultant selon eux de la vie trop dissolue et immorale des gays et transgenres des grandes villes comme New-York ou Paris. L’épidémie du VIH est alors associée à cette minorité déjà recluse et peu appréciée. Elle a paradoxalement permis à la communauté LGBT+ d’être visible dans l’espace public pour revendiquer ses droits, augmentant de fait la sérophobie.

La construction du discours sérophobe

La sérophobie s’est vue construire un discours haineux, fantasmé et teinté d’homophobie. Celui-ci est cependant loin de la réalité puisqu’en 2016, ce sont majoritairement les hétérosexuel.le.s qui ont découvert leur séropositivité en France, soit 3200 cas contre environ 2700 cas chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes. C’est donc à dessein, que le média en ligne Brut a récemment interviewé une femme hétérosexuelle atteinte du VIH et non un homme pour déconstruire les clichés sur les gays et transgenres et montrer que les femmes ne sont pas épargnées. Ces chiffres traduisent alors la méconnaissance que nous pouvons avoir de cette maladie, confusion qui se confirme aussi dans le vocabulaire que nous utilisons pour en parler. Nombreux.ses sont celleux qui confondent VIH et Sida : le premier désigne le virus affaiblissant le système immunitaire tandis que le second ne correspond qu’au dernier stade de la maladie en cas d’absence de traitement.

La crainte du VIH

Comment se manifeste cette peur du VIH ? Les porteur.se.s du VIH sont encore erronément associé.e.s à une image surannée d’une personne en phase terminale, les empêchant d’établir des plans d’avenir à travers l’accès à un logement, un crédit ou bien un emploi. Les employeur.se.s peuvent en effet craindre qu’une personne atteinte du VIH ne puisse être suffisamment apte à travailler. Ces discriminations ne se limitent pas seulement au champ professionnel : elles peuvent également toucher la vie sentimentale de ces individu.e.s puisqu’une personne séropositive rencontre plus de difficultés qu’une personne séronégative à trouver un.e conjoint.e. En outre, la sérophobie n’est pas seulement informelle mais bel-et-bien formelle puisqu’elle transparaît même dans certaines lois. Ce n’est par exemple que depuis le 1er janvier 2018 que les défunt.e.s séropositif.ve.s peuvent avoir accès à des soins funéraires.

La difficulté d’être malade

Les malades peuvent vivre difficilement à partir du moment où iels apprennent leur séropositivité, non pas à cause du traitement mais bien des jugements extérieurs. En effet, iels peuvent vivre normalement avec des traitements plus ou moins importants selon leur état sérologique. Ceux-ci permettent à la charge virale d’atteindre un niveau « indétectable », c’est-à-dire qu’elle est si peu présente dans le corps des malades qu’elle ne provoque aucun effet. Les personnes atteintes ne peuvent plus la transmettre bien qu’en restent porteuses. De plus, lorsqu’il est pris à temps, le traitement leur permet de ne pas être affaibli.e.s par d’autres maladies. Les images que se font les sérophobes ne sont donc bel-et-bien que des constructions héritées, au mépris de la réalité des progrès scientifiques qui ont été réalisés.

Une erreur de cible

Si les séropositif.ve.s bénéficient malgré tout, en France, d’une bonne prise en charge, ce n’est pas le cas dans d’autres pays, notamment africains, où le nombre de personnes touchées par le VIH et de mort.e.s à cause du sida ne cesse d’augmenter, sans que cela ne provoque un réel débat public. Pourtant, c’est bel-et-bien la prise de mesures de la part des autorités politiques qui permettrait de réduire l’augmentation de ces décès en permettant à tou.te.s d’avoir accès à ces médicaments. C’est majoritairement dans les pays sous-développés que le VIH est présent à un niveau inquiétant et ce, quelle que soit la sexualité ou la catégorie sociale des individu.e.s. Il n’existe, dans certains de ces pays, pas ou peu de prévention et de protections pour les rapports sexuels, ce qui explique ces chiffres effrayants.

Charles Dubief

Sources

https://www.sos-homophobie.org/guide-pratique/serophobie
https://www.aides.org/vih-sida-c-quoi
http://vih.org/20171129/vih-en-france-en-2017/139817
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/histoires-d-info/histoires-d-info-quand-le-sida-etait-un-cancer-gay-et-un-chatiment-divin_2471686.html

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