J’aime FRIENDS. Beaucoup. J’ai regardé les 10 saisons religieusement. Je suis tombée amoureuse de Rachel, j’ai admiré le sarcasme de Chandler, j’ai détesté Ross. J’ai pleuré lorsque j’ai compris que je ne verrais jamais les enfants de Monica et Chandler devenu.e.s grand.e.s, que je ne saurais jamais si Emma aurait un petit frère ou une petite sœur, ou si Joey trouverait finalement l’amour. J’ai fait mon deuil, et j’ai regardé en boucle les 236 épisodes de la série.
Et puis, en décembre 2016, une amie m’a parlé d’une nouvelle série qu’elle regardait, dont les deux premières saisons étaient déjà sur Netflix : Brooklyn 99. «Tu vas voir, c’est super drôle». Je l’ai toisée avec dédain, en sachant bien que rien ne pourrait jamais supplanter FRIENDS dans mon coeur.
Plot twist : j’avais tort.
Le pitch : au coeur de Brooklyn, New York City, Jake Peralta est inspecteur de police. Entouré d’Amy Santiago, Charles Boyle et Rosa Diaz, sous les ordres de Terry Jeffords et Raymond Holt (et mention spéciale à Gina Linetti, l’administratrice civile dans nos coeurs à tou.te.s), il combat le crime. Et est hilarant. Tous les personnages le sont. Voici un petit top 5 des raisons pour lesquelles Brooklyn 99 est devenue ma série d’humour préférée.
Note : attention, il y a quelques (tout petits) spoilers dans cet article.
1. Le cast est diversifié.
Trois femmes dont deux latinas et une bisexuelle, deux noirs dont un gay : le début d’une mauvaise blague ? Non non, c’est la composition du cast de la série. C’est quand même sympa pour une fois de ne plus avoir que des blanc.he.s sur son écran, d’avoir un couple homosexuel posé et dont les deux membres survivent plus d’une saison, et de ne pas utiliser l’appartenance à une minorité comme seul ressort comique.
Dans FRIENDS, il faut attendre la saison 9 et l’arrivée de Charlie (copine de Joey puis de Ross) pour enfin voir une personne de couleur. Son personnage est globalement bien écrit, je ne pense pas qu’elle parle avec un autre personnage féminin d’autre chose que d’hommes pendant les 9 épisodes où elle apparaît, mais elle a au moins le mérite d’être intelligente et de savoir ce qu’elle veut.
2. Les relations sont saines.
Spoiler : Jake et Amy sont un peu les Rachel et Ross de la série, c’est-à-dire le couple qui finira forcément ensemble. Mais la ressemblance s’arrête là. Jake et Amy ont deux caractères bien distincts, ce qui crée des situations difficiles (et comiques) mais qu’iels parviennent toujours à résoudre par la magie de… la communication. Car oui, quand Jake pense avoir des sentiments pour Amy, il n’en parle pas à ses ami.e.s pendant des mois avant de fuir en Chine (coucou Ross) . Quand Amy doute de comment son couple va pouvoir survivre à cause des, hum, aléas de la vie de Jake, elle prévoie un plan rationnel pour surmonter les épreuves. Elle n’a pas à choisir entre sa carrière et sa relation amoureuse (coucou Rachel et son job de rêve à Paris). Ce n’est pas une relation parfaite et dénuée de rebondissements, mais elle a au moins l’avantage d’être saine.
Quant aux autres personnages, Terry est marié et a une vie de famille épanouie tandis que Gina se fiche de se conformer aux injonctions sociales du couple. Holt est marié et heureux, Charles est à la recherche de l’amour et Rosa fait battre les coeurs de tou.te.s (oui, je suis peut-être un peu amoureuse).
3. Les personnages féminins sont géniaux.
Les deux créateurs de la série sont des hommes, j’avais donc un peu peur que l’on tombe rapidement dans les clichés et blagues vaseuses. Mais on parle de Daniel J. Goor et Michael Schur, qui nous ont donné Parks & Rec et The Office, alors évidemment j’avais tort.
Gina est ultra féminine, tandis qu’Amy ne porte que des tailleurs pantalon. Heureusement, on n’entre cependant pas dans une opposition stérile entre la fille superficielle et la femme hyper intelligente, car chacune reconnait que l’autre peut lui apporter des choses.
De nombreuses discussions autour du sexisme ont lieu, notamment lorsqu’Amy est jalouse d’une potentielle promotion de Rosa et que cette dernière lui dit qu’il faut au contraire se soutenir dans un monde où la compétition avec les hommes est déjà écrasante.
Pour autant, au sein du 99, les stéréotypes genrés sont quasi inexistants : les femmes ne réussissent pas à résoudre plus d’enquêtes grâce à leur charme mais bien grâce à leur travail et intelligence. Elles ont des relations romantiques mais qui restent secondaires par rapport à leurs ambitions et qui ne les empêchent pas d’avancer. Bref, ce sont des êtres humains qui vivent leur vie.
Dans FRIENDS, les différences entre les hommes et les femmes sont constamment rappelées : on se souviendra ici de la scène après le premier baiser entre Rachel et Ross, où d’un côté les filles parlent sentiments et papillons dans le ventre tandis que de l’autre Joey se demande juste s’il a mis la langue. Rachel, Monica et Phoebe jouent beaucoup de leur charme pour obtenir ce qu’elles veulent des hommes et leurs relations de couple sont globalement assez toxiques.
4. Les thèmes abordés sont sérieux et actuels.
Les problèmes de racisme sont régulièrement traités : Terry est injustement arrêté alors qu’il cherche le doudou perdu de sa fille et doit alors choisir entre signaler le policier à ses supérieur.e.s et potentiellement mettre en danger sa carrière, ou ne rien dire. Holt rappelle souvent comment il était difficile pour lui d’être un policier homosexuel noir dans les années 70 et les conséquences que les insultes et discriminations homophobes ont eu sur son mari. La bisexualité est brièvement abordée dans la dernière saison et j’attends avec impatience la représentation d’une relation femme/femme. Jake est juif et dénonce sans complexe l’antisémitisme qu’il subit. Le problème du système judiciaire et carcéral aux Etats-Unis est un autre cheval de bataille de la série. Les inspecteur.ice.s sont confronté.e.s à des criminel.le.s récidivistes n’ayant pas réussi à se sortir de leur situation. Après son passage en prison, Jake parle régulièrement de l’horreur à laquelle il a été confronté, tout en rappelant bien qu’il a eu droit à des traitements de faveur en tant qu’ancien membre des forces de l’ordre. Les problèmes de la drogue, du crime organisé, de la trop libre circulation des armes sont évidemment centraux.
Dans FRIENDS, pour des questions d’intemporalité de la série, les producteur.ice.s ont décidé de ne pas parler du terrorisme et du 11 septembre 2001. Si ce choix est défendable artistiquement, on note tout de même que c’est une manière assez radicale de se sortir de toute considération sociétale. Par ailleurs, l’homosexualité et la transidentité sont traitées de manière caricaturale (on pense au «père» de Chandler, joué par une femme cis et constamment mégenré), le racisme et autres problèmes sociaux ne sont carrément pas abordés.
5. Les acteur.ice.s ne sont pas problématiques.
Terry Crews a fait partie des Person of the Year du Times pour avoir porté plainte suite à une agression sexuelle qu’il a subie en 2016. Stephanie Beatriz est bisexuelle et fervente avocate des droits LGBTQ+. Si les autres sont moins présent.e.s sur les réseaux sociaux, iels ne sont pour l’instant pas au centre de sordides affaires médiatiques. Et en 2018, c’est déjà pas mal.